Annie Catu-Pinault
INTRODUCTION
Le travail de ce séminaire a confirmé la diversité des motifs de non-dits, mensonges et omissions, que ce soit de la part du médecin, du patient et parfois dans un accord tacite ou un effet de miroir entre les deux.
Le médecin, en dépit du désir de s’en défaire, a de multiples représentations plus ou moins conscientes de la famille, de la façon dont chacun doit se comporter pour être une bonne mère, un bon époux et même un enfant bien élevé. Mais ce sont aussi parfois ses anticipations sur les difficultés de vie à venir qui influencent son attitude, comme dans le premier cas où l’existence de conflits ethniques dans la zone d’exercice de l’auteure l’incite à conseiller à la mère de ne pas cacher aux enfants l’implication de la famille dans la rébellion Kurde, comme pour les préparer à ce qu’ils vont devoir affronter.
Les réticences des patients à dire peuvent être volontaires mais le déni, comme le refus de voir la mort d’un proche arriver dans le deuxième cas, ou même les clivages, comme dans le cas de cette toxicomane qui se choisit un deuxième prénom évoquant sans contest le père absent, dans le cas de M.Sabo, participent aux non-dits, involontaires cette fois. Les injonctions familiales font agir les patients sans qu’ils en aient conscience et c’est le travail en profondeur avec les patients qui permet, parfois, de lever le voile.
Faut-il dire ce que nous comprenons ou élaborons ? Il est facile de répondre quand l’intervention du médecin parait anodine, et parfois magique, lors de la révélation d’une grossesse débutante à une mère dépassée par l’agitation récente de sa fille. Il est plus difficile de l’affirmer lorsque les patients semblent fragiles, mal structurés ou même déstructurés. La place de la psychothérapie du médecin généraliste et les techniques qu’il peut utiliser pour la réaliser tiennent compte des possibilités d’élaboration du patient. La confiance dans les compétences des patients ouvre des possibilités inattendues d’évolution du patient, qui dépendent aussi de limites propres à chaque médecin, à sa personnalité et à ses représentations.
Certains se placent dans une position d’écoute la plus ouverte possible, d’autres tirent tous les fils que le patient tend ou même tentent de lui ouvrir des portes, parfois lourdement fermées.
Contredire l’injonction au silence, aider à décrypter les angoisses transgénérationnelles, servir de prothèse psychique pour alléger le fardeau du non-dit, débloquer des vies insatisfaisantes et reprendre un trajet de vie plus épanouissant.