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ATELIER FRANCAIS DE MEDECINE GENERALE

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EDITORIAL N° 62 Entre le réel contraignant et les fantasmes dérangeants

4 Nov 2018 10:27 PM | Benoît Raynal (Administrator)

Louis VELLUET

    Depuis de nombreuses années, à vrai dire depuis leur création, les séminaires de l'Atelier ont mis un point d'honneur à aborder les sujets les plus difficiles de la façon la plus scientifique possible. La procédure qui s'est imposée a consisté à aborder les différents thèmes en éliminant avec soin toute trace de l'abord intellectualisé, abstrait, trop souvent d'usage en France, au profit du regard clinique, de l'observation approfondie des phénomènes in situ. C'est ce que nous nous sommes efforcés de faire une fois encore en abordant le sujet délicat qui est celui de la naissance
    Le discours magistral tel qu'il a cours dans le monde de la Médecine favorise en effet la constitution de croyances, d'injonctions dogmatiques intouchables qui négligent les inévitables variations liées à la plasticité spécifique de l'être humain. Plus grave encore est son ignorance du fait que le thérapeute est inévitablement, dès lors que la relation est individualisée, une présence physiquement opérante par le biais des transmissions empathiques fonctionnant sur un mode archaïque comme nous l'ont confirmé les neuro-sciences.
    Si nous insistons sur cet aspect théorique c'est parce qu'il apparaît fondamental d'en prendre conscience lorsqu'on aborde le domaine étudié dans le séminaire dont nous rendons compte. Tout ce qui tourne autour de la naissance, de la conception à l'accouchement et aux premiers mois de la vie, ne peut se concevoir sans un retentissement profond, biologique, chez le thérapeute qui s'implique.
    Que ce phénomène soit vécu de façon consciente ou occulté par un mécanisme défensif il est inévitable. Ce n'est pas sans raison que certains de nos confrères fuient les femmes enceintes et les nourrissons.
    Pourtant il est non seulement important de souligner, comme cela se fait habituellement, combien l'arrivée du nouvel être modifie les équilibres mentaux du groupe humain qui l'entoure, à commencer par celui de la parturiente, mais il est également capital de comprendre qu'une personnalité médicale proche, si elle entre en résonance, peut jouer un rôle essentiel. Elle a de ce fait la capacité d'intervenir de façon décisive dans le maintien de l'équilibre, et même si cela peut paraître prétentieux, « la survie » psychique de la mère. Par voie de conséquence elle protège le développement harmonieux de l'enfant.
    La dépression post-partum, qui suscite encore tant d'interrogations, est un exemple frappant du bouleversement qui peut se produire dans les profondeurs de l'inconscient féminin. Peuvent alors ressurgir, dans un mouvement régressif irrésistible, des questions jamais posées puisqu'elles trouvent leur origine dans l'univers inorganisé de nos premiers temps de vie, avant la parole. Ai-je été désirée ? Ai-je été aimée ? Suis-je légitime et donc ai-je le droit de transmettre la vie ? Le monde de la psychologie ne s'est guère attardé (du moins à notre connaissance) sur cette problématique pourtant clairement apparente, ou implicitement présente, dans nombre d'observations présentées au cours des deux journées de travail du séminaire.
    Combien de fois avons-nous entendu dans notre pratique cette phrase d'une patiente : « je n'ai jamais voulu d'enfant », en devinant, à travers quelques bribes de confidences échappées ce que cette affirmation pouvait recouvrir d'absence d'amour reçu, de violences psychologiques sadiques subies et de douleurs enfouies qui ne seront jamais exprimables. Dans l'inconscient humain la « castration symbolique », chère à toutes les chapelles psychanalytiques, n'est en réalité jamais symbolique. L'interdit de vivre et de procréer se met en place très tôt. Il est signifié par l'entité haineuse qui habite parfois malheureusement nos géniteurs Les sujets féminins sont en risque de le subir peut-être plus encore que leurs doubles masculins.
    Les différentes présentations cliniques et les interventions qui les ont suivies ont heureusement eu l'intérêt (et le mérite) de mettre l'accent sur la double fonction de protection et de garant de l'épanouissement de la vie qui doit être assumée par celui qui est à la fois le plus proche et le plus investi, à savoir le père.
    Mais elles ont également mis en lumière le fait que la position du médecin de famille est la seule, qui à la fois l'expose à être confronté chaque jour au monde chaotique des désirs et des interdits, mais également qui lui permet, quel que soit son sexe, s'il en est conscient et s'il l'accepte, de renforcer la fonction paternelle, d'aider le Père à tenir sa place et à être le garant de la Loi qui fixe les règles de vie.

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