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ATELIER FRANCAIS DE MEDECINE GENERALE

EDITORIAL N° 24 PARLER, MAIS POUR DIRE

3 Nov 2018 8:43 PM | Benoît Raynal (Administrator)

Anne-Marie Reynolds

Il n’y a pas si longtemps, et les choses ont encore trop peu changé à cet égard, on ne rencontrait la médecine générale que sur sont terrain, c'est à dire à la fin des études universitaires ou après elles ; ce que l’on avait pu recueillir de savoir et développer de capacités techniques ne constituait qu’un bagage de départ, une somme variable d’acquis spécialisés « de base », semée ici ou là d’inévitables lacunes et enveloppée d’un sentiment de manque de qualification.
    Muni de ces éléments, et plus ou moins complexés, il nous restait à découvrir la médecine générale, une aventure particulière pour chacun. Les uns y perdaient leurs complexes avec le temps et l’expérience, les autres « faisaient avec » tant bien que mal. Certains enfin ne le supportant pas choisissaient à l’occasion de se spécialiser à leur tour ou d’aller faire autre chose, ailleurs.
    En parcourant machinalement une des publications qui s’offrent gratuitement à notre attention à l’heure du courrier, mon regard s’est accroché à une fin de phrase. Je ne citerai pas le nom du confrère à qui elle est attribuée. On y reconnaîtra un véritable lieu commun : nous aurions tous pu l’énoncer. Nous sommes nombreux à l’avoir fait, et nous l’entendrons encore souvent répéter… Il s’agit cette fois du suivi de malades cancéreux, et comme s’il était nécessaire de rassurer encore et toujours nos confrères spécialistes, l’interpellant rappelle qu’ « il ne s’agit pas de rivaliser avec les cancérologues dans un domaine où nous ne pouvons pas posséder leurs connaissances, mais (qu’)il nous faut travailler avec eux pour une meilleure qualité de vie des malades ».
    Cela va sans dire ? Non, parce que cela ne dit rien. Est-il nécessaire d’ajouter que si quelqu’un en doute, ce ne peut être le généraliste. Il est évident que nous ne pouvons posséder toutes leurs connaissances. Sinon, pourquoi y aurait-il des spécialistes ? Mais, s’ils ont leurs connaissances et leurs moyens techniques, nous avons les nôtres, différents (dont ils peuvent détenir également une part, comme il en est pour nous de ce qui concerne les leurs).
    N’exprimer les choses qu’en termes de généralités, bien que conformes à la réalité, ne sert qu’à affirmer sans dire ; Nous ne faisons que commencer à prendre la liberté d’observer et d’interroger nous-même nos activités et nos compétences propres, le milieu et les conditions dans lesquels nous les exerçons. Dans le cas particulier évoqué nous devons œuvrer en collaboration avec nos confrères cancérologues en assumant notre part de responsabilité du maintien en vie de notre malade, du moral et des possibilités de ceux qui l’entourent, en faisant la différence entre ce qui est techniquement possible et ce qui est valable dans le cas particulier pour tous, en rejetant tout ce qui peut être agression sans profit réel. Enfin, comment parler en quelques mots du travail de deuil[1] avant et après la mort ? de l’importance particulière en médecine générale de la proximité et de la durée ? du vécu commun qui va bien au delà des seuls mots compatissants, élargit, le champ des connaissances médicales, et débouche sur des moyens diagnostiques et thérapeutiques mieux appropriés ? c’est à nous qu’il revient d’apporter des réponses à ces questions et de trouver les mots pour le dire.

[1] On peut consulter sur ce sujet :
A.M. REYNOLDS, J.F. AUTHIER, : « Clinique de la fin de vie en Médecine de Famille ». (U.F.R. de Bobigny 1985) disponible au centre de documentation de l’UNAFORMEC.

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