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ATELIER FRANCAIS DE MEDECINE GENERALE

EDITORIAL N° 17 La Cité Médicale et les Métèques.

3 Nov 2018 1:37 PM | Benoît Raynal (Administrator)

Louis Velluet.
    Une fois n'est pas coutume, cet éditorial sera politique. Ne vous méprenez surtout pas sur la signification de ce terme, il s'agit bien de son sens premier et non du sens dévalué qu'on lui donne aujourd'hui : c'est l'organisation de la Cité qui est mise en question.
    Dans l'Athènes classique, les métèques affluaient de toute la Grèce. Artisans, industriels, commerçants, médecins, ils ne jouissaient pourtant d'aucun des droits des « vrais » citoyens, pas même de celui de posséder une maison en propre. Cependant leurs talents étaient grands et beaucoup d'entre eux ont contribué à la gloire et à la fortune d'Athènes.
    Dans notre Cité Médicale moderne comme dans l'Athènes classique, il y a deux sortes de citoyens. Les uns tiennent le haut du pavé et les autres sont ignorés, quelle que soit leur valeur. Le scandale est le même, mais pour des raisons différentes.
    D'une part, une faction très large des « vrais » citoyens médecins refusent de reconnaître cet apartheid. Hypocrisie, intérêts matériels ? Ce n'est pas ici le lieu d'en débattre.
    D'autre part, les représentants de ces métèques, loin de mettre en valeur ce que leur originalité et leur dynamisme apportent à toute la Cité semble quémander de l'Etat la place la plus effacée, présenter des revendications d'O.S., ce qui n'aurait rien de déshonorant en soi, si la communauté généraliste n'était pas faite de milliers de talents différents et originaux, comme si elle ne comptait pas, en réalité, toute une hiérarchie de cadres et même des patrons.
    Cette timidité, cette auto-dévalorisation sont le résultat d'une éducation médicale s'appuyant sur des principes erronés. C'est ainsi que l'on a pu voir, stimulés par la chaleur communicative des luttes, de jeunes internes et de jeunes chefs de clinique demander, extraordinaire prétention, a gagner deux fois ou même trois fois plus que des généralistes chevronnés. Ainsi donc, de jeunes hospitaliers, forts d'une culture médicale approfondie dans des domaines particuliers, se sont laissés aller à s'estimer au double ou au triple de la valeur de confrères dont l'expérience et le savoir spécifiques, acquis au fil des années, sont sans commune mesure avec les leurs.
Certes, il ne faut pas voir dans ces excès l'effet de la malveillance mais simplement celui de l'ignorance. Il est tristement exact que la reconnaissance d'un médecin de famille ne peut être obtenue, jusqu'à ce jour, qu’au mépris de son propre savoir, de sa propre culture, dont pourtant les exigences sont comparables à celles de ses autres confrères, bien que de nature différentes.
    Que l'on rétribue selon leur demande des professionnels qui ont répondu à des exigences de qualification et de compétition sévères (et parfois même excessive) ne constitue un scandale que parce qu'on prétend maintenir les généralistes dans un Tiers-état dont nul ne peut émerger s'il ne consent a se défigurer en imitant une pratique qui n’est pas la sienne.
    Il est tout aussi vrai qu'un diplôme fut-il aussi prestigieux que celui de l'Internat ne constitue nullement une garantie de talent et de qualités morales, ni même d'aptitudes particulières à tout l'exercice médical.
    A l'inverse, la recherche personnelle, l'approfondissement d'un domaine original, la créativité, nous le voyons tous les jours dans le domaine des sciences ou de l'industrie, favorise l'éclosion de personnalités de femmes et d'hommes de grande valeur même s’ils sont au départ dépourvus de diplômes.
    Je regrette avoir rappeler, une fois encore, qu'après un certain nombre d'années de pratique et de réflexion d'un médecin de famille peut acquérir dans son domaine un savoir et une technique spécifiques, faire la preuve d'une valeur identique à celle de n'importe lequel de ses confrères hospitaliers ou spécialistes, quelle que soit leur position dans leur hiérarchie médicale.
    Il doit être honoré (le mot prend ici toute sa valeur) en conséquence.
    La question qui se pose est finalement celle-ci : peut-il exister dans notre métier une autre aristocratie que celle qui réunit le talent et les qualités morales ?
    Si vous pensez comme moi que la réponse est négative, il faut obtenir sans délais de ceux qui nous gouvernent que soit posée l’équation qui donnera à la Cité les chances de voir un jour pratiquer au profit de tous une médecine humaine, efficace et économique.
    Ecrivons, une fois encore, cette équation, elle est simple :
    généraliste = spécialiste.

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