Notre travail a pointé les caractères déjà décrits dans la littérature quant aux patients présentant des douleurs ou autres symptômes inexpliquées : la multiplicité des symptômes, leur variabilités, la présence de signes psychiques associés : dépression, anxiété, conduite obsessionnelle. La multiplication des examens complémentaires, des avis de spécialistes, en attente d’ étiquetage et de traitement miracle accompagnent le clivage entre corps et psychisme, la difficulté à ressentir des émotions, à les accepter, les exprimer, on pourrait dire la difficulté d’introspection et d’élaboration.
Notre séminaire nous a permis de percevoir que la douleur survient souvent dans un contexte de déstabilisation psychique inattendue mais qui fait écho à une souffrance ancienne, souvent enfouieet qui n’a pas été métabolisée. Les causes de résurgence de la souffrance sont multiples. L’arrivée d’un enfant peut susciter la peur ne pas savoir être père car les souvenirs du lien père-fils seraient intriqués aux souvenirs de maltraitances. Il peut aussi s’agir d’éviter bien des fantômes, de ne pas penser à ce qui a fait mal tout en en marquant la trace. Les douleurs semblent traduire parfois une certaine rigidité psychique ou une posture infantile qui pourraient n’être que la face visible d’un syndrome post-traumatique jamais exploré. Les douleurs ne sont perçues parfois par le médecin que comme un prétexte à consulter comme cette patiente qui vient se plaindre de ses pieds. Le médecin se penche alors que un symptôme plus inquiétant dont il permettra d’ailleurs une résolution digne d’un conte de fée. La patiente avait peut-être du mal à continuer d’avancer.
Ce que nous apportons de plus par notre mode de travail, c’est la part du médecin dans cette difficulté à dépasser le mode de présentation du patientpour accéder à ses maux psychiques.
Il faut investir parfois beaucoup de temps et d'énergie et accepter de se faire polluer pour avoir un petit bout de leur histoire. Le médecin n’a pas toujours envie de franchir le mur. Il ne prend pas le temps, ne trouve pas l’occasion, se retranche derrière le risque d’être intrusif, parce qu’il sent un puit sans fond, parce que cette souffrance sous-jacente lui parait envahissante et résonne avec ses propres difficultés et le fait accéder à des parties sombres de lui-même.
Dire au patient qu’on perçoit sa souffrance est évidemment une meilleure approche que de lui faire un cours sur la psychosomatique pour tenter de le convaincre qu’il devrait voir les choses autrement. Comme nous l’a proposé notre expert, il s’agit parfois seulement de poser des questions simples sur les quelques évènements de vie que le patient nous apporte,
L’agacement du médecin de la posture d’enfermement du patient et de son manque d’élan vital peut être un obstacle pour trouver le chemin de la résilience. Permettre au patient d’exprimer sa souffrance est un préalable à tout espoir de voir surgir un élan vital solide. Cela demande de la patience, le désir de comprendre, et d’accompagner le temps psychique de déconstruction des traumatismes avant de vouloir stimuler le patient et attendre de lui du « positif ».
Comme le patient a parfois besoin du médecin pour enfin lâcher quelque chose, le médecin a parfois besoin de son groupe de travail pour ne pas être seul face à tant de souffrance ou de peur. Les résonances se perçoivent parfois lors de la lecture du texte pourtant écrit sans affect apparent. Le plus souvent c’est la discussion qui ouvre la voie de la raisonnance, ce raisonnement basé sur la résonance. Comme pour l’empathie, c’est l’émotionnel qui ouvre la voix du cognitif.